Jean-Claude Vanden Eynden et César Franck : Pénétration spirituelle
25/10/2023
César Franck / Blanche Selva : Trois Choraux (version piano) + Prélude, choral et fugue pour piano FWV 21 ; Blanche Selva : Cloches au soleil + Paysage au soleil couchant ; Jean-Claude Vanden Eynden, piano ; # Le Palais des dégustateurs PDD033 ; Enregistrement 05.2023, publication 25.10.2023 (65’44) – Critique de Rémy Franck
Jean-Claude Vanden Eynden a enregistré un album que j’aime beaucoup. Il respire Franck avec tant d’amour, sait si bien rendre le caractère méditatif des œuvres qu’il joue, qu’on reste dans un état d’admiration profonde pendant une bonne heure.
La pianiste française Blanche Selva a transcrit les trois chorals pour piano de César Franck en 1910. Les pièces comptent parmi les dernières œuvres de Franck et ont été composées en 1890, l’année de sa mort.
Jean-Claude Vanden Eynden interprète le premier choral avec une grande clarté et une expression naturelle qui rend la poésie contemplative de la pièce émouvante et sans sentimentalité. Le son est marqué par une véritable chaleur et plénitude même dans les passages les plus doux.
Cela vaut également pour le deuxième choral, dans lequel l’excitation s’insinue parfois, mais que Vanden Eynden, se méfiant de toute exagération et doté d’une extraordinaire compréhension des tensions harmoniques et structurelles, façonne avec modération, l’encastrant ainsi avec beaucoup de sensibilité dans l’ensemble pour souligner le caractère mystérieux du choral.
Le troisième choral, un peu plus contrasté, devient très expressif dans l’interprétation profondément ressentie de Vanden Eynden. Il est émouvant de voir comment il relativise à plusieurs reprises la verve que prend parfois la musique, comme dans un marasme intériorisé, pour rassembler une force nouvelle qui permet à la coda de devenir suffisamment puissante. C’est directement magique dans son effet musical. Une interprétation merveilleuse et émouvante !
L’œuvre pour piano Prélude, choral et fugue FWV 21 a été composée par César Franck en 1884. Jean-Claude Vanden Eynden la joue avec une magnifique maîtrise du clavier et des timbres, témoignant d’une profonde compréhension de cette musique. Le jeu est plein de clarté, de fluidité naturelle, de souffle naturel, libre, réfléchi, authentique et profond. Le prélude d’ouverture prépare de manière très intériorisée le choral, qui devient une prière pleine de lumière et de paix. C’est une paix venue d’une autre dimension que Franck a très bien connue. La fugue ne se déroule pas sans conséquence, mais, grâce à la fine différenciation du jeu de Vanden Eynden, elle possède une puissance intérieure qui la rend particulièrement expressive.
Deux courtes pièces de Blanchet Selva, les Cloches au soleil (1905), alertes, scintillantes et dansantes, et le calme et atmosphérique Paysage au soleil couchant (1904), terminent le programme de cet album caractérisé non seulement par des interprétations marquantes, mais aussi par un son de piano très bien capté et parfaitement naturel.
