Presse

Qu’ils sont difficiles, ces opus que Boris Berman joue sur un Steinway qui sonne avec un naturel troublant, capté par des micros judicieusement placés en regard de l’écriture même de pièces qui n’exigent pas le vaste espace acoustique d’une grande salle de concert, mais ne se satisferaient pas davantage de la matité d’un salon étouffé.
Si Brahms a parlé de «   berceuses de ma douleur  » en évoquant ses pièces tardives, faut-il les jouer comme si le piano était sur un catafalque ? Non ! Et Boris Berman l’a bien compris : il a choisi une salle pas trop grande, ne force aucun fortissimo, n’explore pas davantage l’infiniment petit du pianissimo, invente mille nuances dans une dynamique réduite. Son jeu est détendu, comme allant de soi : il semble en fait qu’il joue pour vous seul, pour vous montrer la beauté de cette musique si complexe – et le cachant si bien. Sa maîtrise du cantabile éloquent, sa capacité à modeler le son en continu, son jeu de pédales qui soutient sans jamais les mélanger les lignes sinueuses et enchevêtrées du compositeur, font qu’il organise secrètement un discours fluide qui attrape l’oreille de l’auditeur sans jamais le prendre par le sentiment. Il y a bien sûr des manières autres, plus caractérisées et variées, comme, par exemple, Wilhelm Kempff dans les années 1950 (Decca et Deutsche Grammophon). Mais Berman avance comme le soleil, trouant les nuages dans un ciel, éclaire la campagne de couleurs automnales laissant derrière leur passage le paysage intact. Et c’est beau !

Alain Lompech


 Le blog « En cherchant bien… Carnets d’un curieux » 

Les Klavierstücke de Brahms : une interprétation superlative de Boris Berman

Les Klavierstücke _ opus 76, 79, 116, 117, 118 et 119 _ de Johannes Brahms font partie de ses chefs d’œuvre. Et voici que le pianiste Boris Berman nous en livre, en un double CD Le Palais des Dégustateurs PDD018, une interprétation absolument magnifique.
Outre l’excellence de la prise de son réalisée à la Goillotte, à Vosne-Romanée, par Alain Gandolfi pour le label Le Palais des Dégustateurs, il faut saluer très bas les 17 pages du livret, signées Paul Berry, qui non seulement présentent la situation de ces recueils de Klavierstücke au sein de l’œuvre de Brahms, mais analysent par le menu le détail de ces 30 pièces, intitulées Capriccio (7), Intermezzo (18), Rhapsodie (3), Ballade (1) et Romance (1) : une merveille de précision, tout à fait bienvenue.
C’est dire le soin apporté à cette merveilleuse réalisation. Et quelle musique !!!

Ce samedi 7 septembre 2019, Titus Curiosus – Francis Lippa


 La Nef 

Novembre 2019

Boris Berman

par Hervé Pennven

à Moscou en 1948, élève de Lev Oborine au Conservatoire Tchaïkovski, Boris Berman quitte l’URSS en 1973 pour Israël. Dès 1979 il émigre aux États-Unis, et depuis 1984 il enseigne le piano à Yale. Ce pédagogue hors pair, spécialiste de Prokofiev, est inconnu en France. Par quel mystère en est-il venu à enregistrer les Préludes de Debussy dans les anciens chais du Prince de Conti à Vosne-Romanée pour le discret Palais des dégustateurs ?

Ce qui importe est que cela ait eu lieu. Car cet enregistrement est nécessaire. Il y a chez Boris Berman un sens accompli de la mise en scène sonore, un engagement total de chaque instant, et une incroyable palette de nuances. Il suffit d’entendre les premières mesures du premier Prélude pour comprendre que l’on est là devant une très grande interprétation, qui chante la partition en toutes ses dimensions, dans une plénitude pianistique jamais démonstrative. On se dit que ces Préludes sont tellement variés, et avec une subtilité si française, qu’il ne peut pas être à un tel sommet tout le temps. Par exemple entre le pastel de La fille aux cheveux de lin et la guitare flamenco qui suit, il va être meilleur dans l’un que dans l’autre. Mais non. La fille a des cheveux de lin comme vous n’en avez jamais touchés, et la Sérénade interrompue est une quintessence de guitare flamenco. Et quand le chant est, demande Debussy, «!un peu suppliant!», c’est exactement ce que chante Berman. Voilà donc un double CD (avec en plus les Estampes, et d’autres pièces) paru en 2017, qui est désormais une perle fine de la discographie debussyste. Et voici que Boris Berman nous donne, chez le même éditeur, un autre double CD, où il interprète toutes les pièces pour piano de Brahms de l’opus 76 à l’opus 119. Et c’est de la même exceptionnelle qualité. Dans Debussy Berman donne l’illusion d’improviser, dans Brahms il fait montre d’une absolue maîtrise, en fait la même maîtrise, bien sûr, mais ici cela veut dire qu’il n’y aura aucun emballement pour faire «!romantique!». Une maîtrise souveraine de la ligne et du son, d’un certain «!classicisme!», si l’on veut, mais qui éclaire la partition, n’enlève rien aux rugissements du vieux Brahms mais fait entendre là aussi toutes les nuances. À un moment où je me disais : vraiment, quelle délicatesse… je regarde la partition et je vois : «!Delicatissime!»…

H.P.



Boris Berman et Debussy

par

Le pianiste et pédagogue russe Boris Berman confie au Palais des dégustateurs son troisième enregistrement consacré à l’un des plus grands génies de la musique française : Debussy.

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ResMusica - Musique classique et danse: actualités, critiques et analyses

Robert Levin nous rapproche des Partitas de Bach

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Partitas n° 1 à 6 BWV 825-830 ; une version alternative de la Gigue de la Partita n° 3, ainsi que des deux derniers mouvements de la Partita n° 6. Robert Levin, piano. 3 CD Le Palais des Dégustateurs. Enregistrés à la Goillotte, Vosne Romanée en juillet 2017. Textes de présentation en français et anglais. Durée totale : 2:19:43

Robert Levin propose un triple disque pour lequel il revisite les Partitas BWV 825-830 de Johann Sebastian Bach.

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Deux CHOCS du magazine Classica de juin pour 2 de nos enregistrements

La géniale interprétation, au piano, des 6 Partitas de Bach par Robert Levin et les trios de Mozart K496 et K422 par Robert Levin, Hilary Hahn et Alain Meunier (le K422 complété par le même Robert Levin) viennent d’obtenir des « Chocs » du magazine CLASSICA de juin 2019. Ces deux CD sont parus chez « Le Palais des Dégustateurs ». C’est assez rare que deux disques du même artiste et parus dans le même label obtiennent cette distinction dans le même numéro du magazine.

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Grandes Partitas

Robert Levin aura repensé Bach au piano. Cette audace fait son miel de la seule musique, littéralement les notes s’incarnent dans un discours polyphonique qui déploie les architectures d’un cahier, où l’art cache l’art.

Le clavier absolu auquel Bach songeait, qu’il fut à l’orgue ou au clavecin, se serait-il réalisé en ce Steinway moderne que Robert Levin sculpte aujourd’hui avec cette ardeur et cette précision dans les ornements et les conduites qui ne laissent aucune ombre assourdir la majesté d’un discours plus d’une fois stupéfiant ?

La complexité de ces musiques, leur abondance, leur ardeur rhétorique, les enlacements des danses et la majesté des Toccata, Prélude ou Fantaisia, tout paraît ici dans une clarté sans sévérité alors même que Robert Levin ne cherche jamais les charmes : il est fasciné par le texte et nous en fascine, car sa connaissance intime du clavier de Bach est parvenue à une ultime décantation produite par l’usage des diverses sources : c’est comme si les secrets de cette langue étaient enfin évidents.

Commencez par la Sixième Partita, la plus complexe : elle n’aura jamais résonné sur un piano avec un tel degré de simplicité, une logique impérieuse guide l’interprète, comme si Bach était penché au-dessus de son épaule. Et maintenant qu’il sait si bien éclairer cette grammaire, il nous doit les Goldberg !

Un conseil : avant l’audition des disques, lisez le passionnant entretien imprimé dans le livret.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
6 Partitas, BWV 825-830

Robert Levin, piano

Un album du label Le Palais des Dégustateurs PDD017


L’ÉLAN DU CŒUR
Dans ces pages schumanniennes, le sentiment d’urgence le dispute à l’émotion pure

Gérard Poulet, violon – Jean-Claude vanden Eynden, piano.

Robert Schumann affirmait qu’« en art, on ne peut rien atteindre sans enthou-siasme ». Cela pourrait être le credo de cet enregistrement des Sonates nos 1 et 2 (la troisième, opus posthume, n’a pas été retenue) et des trois Romances op. 94 pour hautbois et piano, transcrites pour violon. Gérard Poulet, né en 1938, avait déjà confié au disque, au début des années 1990, un programme identique avec Jean-François Heisser (Erato), dans une interprétation qui avait fait date. Il remet sur le métier, dans l’excellente acoustique du Clos de Tart en Bourgogne, ces pages qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière, y manifestant une qualité stylistique toujours aussi accomplie, avec pour partenaire le remarquable pianiste belge Jean-Claude Vanden Eynden, jadis lauréat du Concours Reine Elisabeth. D’un engagement saisissant, les deux complices rivalisent d’intensité, et si la sonorité du violon au galbe très pur se fait plus émaciée aujourd’hui, la musicalité prévaut continûment. L’entente transparaît dans l’équilibre des échanges et une fraîcheur juvénile anime leur lecture de ces œuvres crépusculaires composées en 1851 au soir de la vie de Schumann. Le naturel de l’exécution, la finesse de timbre et la légèreté d’archet s’allient Robert Schumann(1810-1856)Sonates et Romances pour violon et pianoGérard Poulet (violon), Jean-Claude Vanden Eynden (piano)Le Palais des Dégustateurs PDD011. 2014. 59’aux élans lyriques et passionnés du clavier, surtout dans la Sonate n°2 en ré mineur plus aboutie sur le plan formel que la précédente. L’urgence prévaut et l’éloquence du discours laisse percevoir, sous l’effusion, le caractère mordoré de ces partitions qui se lovent le plus souvent dans le registre grave du violon, fréquemment proche de l’alto. Gérard Poulet et Jean-Claude Vanden Eynden parlent une langue commune et savent communiquer, derrière l’ardeur de leur jeu, ce sentiment fantastique si cher aux ambiances germaniques. Dans les Romances, dédiées à Clara, ils retrouvent le sens du merveilleux et le caractère indicible proches du lied. Pour les deux sonates, ce CD se hisse au niveau des visionnaires Argerich et Kremer (Deutsche Grammophon) et devant les versions plus classiques de Charlier et Engerer (Harmonia Mundi), Degand et Peyrebrune (Ligia Digital), Faust et Avenhaus (CPO). Dans la Sonate n°2, leur conception se montre moins subjective que Ferras et Barbizet (DG) et tout aussi frémissante que Yehudi et Hephzibah Menuhin (Warner Classics). Une éclatante réussite.

Michel Le Naour

Robert Schumann (1810-1856) Sonates et Romances pour violon et piano – Gérard Poulet (violon), Jean-Claude Vanden Eynden (piano)
Le Palais des Dégustateurs PDD011. 2014.


Enregistrement passionnant du Clavier bien tempéré
Johann Sebastian Bach: Le Clavier bien tempéré I, BWV 846-869
Dominique Merlet, piano –
Palais des Dégustateurs PDD015.

Le pianiste français âgé de 80 ans, Dominique Merlet, qui a remporté le premier prix au Concours de piano de Genève en 1957 avec Martha Argerich, ajoute un autre excellent enregistrement à sa riche discographie.

L’âge de Merlet n’a pas ralenti ses tempi. Il joue plutôt vite, mais dans l’ensemble aussi très contrasté, avec beaucoup de rubato et une large gamme dynamique. Son interprétation acquiert une nouvelle dimension dans chacune des pièces, soulignant à quel point la puissance musicale de la partition est intemporelle et transmissible au piano moderne.

Merlet est très joueur, avec un fort sens de la poésie et du récit trouvé dans les œuvres. Il peut, en tirant parti de sa riche expérience et de sa sagesse, exprimer de la mélancolie et du clin d’œil, de l’effervescence et de la retenue. Ce changement rend tout cela si excitant !

L’enregistrement du son est optimal, pas trop sec, pas trop spatial, clair et naturel.

BACH – Clavier Bien Tempéré, Livre 1
Dominique Merlet (piano)

CD Palais des Dégustateurs PDD015

Dans le Premier Livre du Clavier tempéré, le maître réécrit les pages didactiques du Cantor de Leipzig. Une copie sans fautes : mention très bien.

En janvier 2016, Dominique Merlet enregistrait à Vosne-Romanée le Second Livre du Clavier bien tempéré (voir Classica n°187). Il y retourna en juillet de l’année suivante pour le Premier Livre. Même lieu, même équipe technique, même piano, semble-t-il : le son n’en est pas moins différent, plus onctueux, plus enveloppant, comme si l’instrument avait été capté de plus près alors que, paradoxalement, l’acoustique du lieu (la Goillotte, un nom familier aux amateurs de grands vins) et sa réverbération discrète se perçoivent davantage. Cet environnement favorable incite à s’installer confortablement pour parcourir cet épais livre en quarante-neuf chapitres : cet enregistrement propose en effet deux versions de la Fugue n°19 en la majeur. Pédagogue recherché et admiré, Dominique Merlet n’appréhende pas ce recueil éminemment didactique en professeur un peu sévère, mais bien au contr aire, en artiste accompli. Ce jeune homme de quatre-vingts ans étonne même par son enthousiasme, sa spontanéité, ses tempos enlevés. Il s’empare ainsi du Prélude n°1 avec une gourmandise impatiente, le geste cursif mais jamais brusque, les doigts déliés, les phrasés souples, le chant prioritaire, malgré une détermination manifeste. La même vigueur anime le Prélude n°2, torrent impétueux de doubles croches qui sort de son lit dans son dernier coude et éclabousse l’auditeur de lumière.

Dominique Merlet a manifestement eu à coeur de se souvenir de Czerny, publiant Le Cla- vecin bien tempéré en 1837 et signalant qu’il avait tâché de « considérer le vrai caractère de chaque composition ». D’une page à l’autre, le pianiste modifie en effet la perspective, l’espace, la couleur sans le moin-dre effet de manche, sans volonté de faire l’original, de se distinguer dans une discographie abondante et riche depuis Edwin Fischer (EMI, 1933-1936) jusqu’à Zhu Xiao-Mei (Mirare, 2007-2009) en passant par Friedrich Gulda (Philips, 1972-1973), Glenn Gould (Sony, 1974) et Evgeni Koroliov (Tacet, 1998-2002). On admire ainsi la plénitude quasi vocale de la foisonnante Fugue n°4, les croches papillonnantes du Prélude n°5, le charme du Prélude n°9, le caractère enjoué du Prélude n°15, la plénitude orchestrale du Prélude n°17 et la dimension cosmique de la Fugue n°24.

CONCENTRATION ET RÉFLEXION

Comme le rappelle Jean-Jacques Eigeldinger dans son texte de présentation, certains couples de prélude et fugue « sont dans un rapport d’opposition […], d’autres dans un lien d’analogie ou de complémentarité ». Cette diversité, Dominique Merlet la restitue dans un jeu concentré et pensé. Mais si la tête reste froide (du moins en apparence), les doigts sont souvent chauffés à blanc et font assaut de virtuosité (Prélude n°7 comme improvisé). Pas pour épater, redisons-le, mais pour approcher au plus près le mystère de cette musique. Autre tour de force, ce toucher qui reste délicat et ce son mordoré et moelleux sans jamais embrumer les lignes. En organiste qu’il est également, l’artiste sait équilibrer les registres pour conserver la lisibilité de la polyphonie (Fugue n°22) et parvenir à une juste intensité expressive sans jamais alourdir les mains : les accords du Prélude n°8, la répétition régulière de groupes de deux notes dans la Fugue n°14, la marche solennelle du Prélude n°24. Cette maîtrise de la partition ne se révèle jamais dans une ascèse sonore (la Fugue n°19 qui semble aller dans tous les sens, les accords brisés du Prélude n°21), une froide radiographie, une articulation artificielle ou une exploitation tapageuse des possibilités du piano. Au contraire, elle surprend souvent par de malicieux sourires (Fugues nos 7 et 9).
Aller à l’essentiel sans prendre des airs de donneur de leçon, être grave sans chausser des semelles de plomb, faire montre de puissance intellectuelle sans jouer au savant : est-ce cela la maturité ?

Philippe Venturini

Critique parue dans le magazine Classica de juillet-aoùt 2018.

DEBUSSY
Préludes et autres pièces
Boris Berman (piano)

CD Palais des Dégustateurs PDD014

L’IMAGINATION AU POUVOIR
Boris Berman, avec une autorité de maître, place le piano de Debussy sous le signe de l’intériorité .

Depuis qu’il a immigré en Israël en 1973, le pianiste russe Boris Berman mène une carrière de pédagogue reconnu dans le monde entier. Cet album de deux CD réunissant quelques-unes des pages majeures de Debussy rappelle qu’il est aussi un immense artiste. Captée dans l’excellente acoustique du domaine de La Romanée Conti, son interprétation permet en effet de goûter les sonorités profondes et la rondeur du timbre d’un jeu qui sait allier l’intériorité à l’expressivité. Plutôt que d’attirer l’attention sur le flou maîtrisé si cher aux impressionnistes dans la tradition de Gieseking, Berman privilégie l’intensité, les variations d’attaques, quitte à creuser le trait. On est frappé dans les deux Livres des Préludes par son art de gérer le temps (Danseuses de Delphes, La Terrasse des audiences du clair de lune), de conférer du sens aux contrastes dynamiques (Ce qu’a vu le vent d’ouest), de densifier l’écriture debussyste dans des pièces en apparence éparpillées (Brouillards, Feuilles mortes, Les fées sont d’exquises danseuses) et à buriner les rythmes (La Puerta del vino). Il en ressort une lecture parfois visionnaire, faite de sensations fortes (La Cathédrale engloutie) où transparaît une imagination qui, mutatis mutandis, s’apparente à l’effusion géniale de Richter (Le Vent dans la plaine). (…)
Michel Le Naour

Critique parue dans le magazine Classica de février 2018.

Franz Schubert
Impromptus opus 90 D.899. Sonate D.960
Jean-Claude Vanden Eynden (piano)

CD Palais des Dégustateurs PDD009

Ce Schubert d’airain, mené avec certitude et une technique impeccable, impressionne. Le toucher se fait aussi chantant dans l’Impromptu n°2, fluide et sans absence. D’un impromptu à l’autre, les partitions offrent des pâtes sonores totalement individualisées. Nul excès dans ces lectures qui n’ont rien de spontané ou d’austère: elles semblent mesurer le temps (celui qui reste) avec élégance comme dans l’opus en la bémolmajeur, porté par d’infimes respirations. C’est finalement cette rigueur et l’absence de maniérisme qui donnent l’illusion de la simplicité. L’amertume des premières mesures de la Sonate en si bémol majeur place l’auditeur dans un espace d’une magnifique hauteur de vue. Pas de dramatisme inutile, mais un resserrement progressif des tensions. La ligne de chant n’est jamais en rupture dans l’Andante sostenuto qui annonce, ici, les dernières pages de Schubert. Ce testament musical s’ouvre progressivement à la lumière. Jean-Claude Vanden Eynden s’est approprié cet univers sans en trahir l’émotion originelle. Après cet excellent Schubert, espérons entendre le même interprète dans d’autres répertoires classiques ou romantiques.

Stéphane Friédérich

MOZART Sonate K 403 Andante
par GÉRARD POULET ET ROBERT LEVIN

CD Palais des Dégustateurs PDD007

L’archet de Gérard Poulet est d’une infinie délicatesse, propre à recueillir les plus intimes confidences du violon et les grâces d’une sonorité d’un autre temps, à la ligne vocale riche et épanouie.

La prise de son, remarquable de naturel, en restitue le grain et la couleur comme l’équilibre si juste, avec le piano.


Dominique MERLET
JOHANN SEBASTIAN BACH (1685-1750)
Second livre du Clavier bien tempéré BWV 870-893
Dominique Merlet (piano)

Le Palais des Dégustateurs 2 CD PDD008. 2016. 2 h

Le but pédagogique avoué du Clavier bien tempéré permit aux élèves de Bach d’apprendre à improviser (prélude) et à structurer leur pensée (fugue). Devant ce monument du piano, l’humilité de Dominique Merlet – lui-même immense pédagogue – est touchante. Dès le premier Prélude et Fugue, on est pris par le chant rayonnant et une forme de simplicité. Au fil de l’écoute, le balancement des phrases va de soi, alors qu’il est aussi complexe à maîtriser pour un musicien que les rimes de Racine à déclamer sans affectation pour un acteur. Paraître naturel, voilà le défi. La décontraction fait ici noblesse, il ne reste que l’infinité du choix pour le toucher, les attaques, le tempo, l’expression des récitatifs, de la virtuosité des danses… Les tonalités guident tout cela en partie. Elles définissent les identités sonores de chaque pièce. De fait, les nuances se créent au fil des modulations, dans d’immenses phrases, d’une douceur qui bannit toute raideur. Et pourtant les galops peuvent être frénétiques (Prélude en ré mineur), d’une allégresse italienne, volubiles. On devine de grandes prises et l’effort de la course des doigts à la fin de certaines fugues. Ce sont tous ces éléments d’humanité qui, fusionnés, font jaillir un esprit d’authenticité.

Avec un son très bien capté dans l’acoustique de la Goillotte, à Vosne Romanée, ce coffret se déguste dans la solitude, remède divin aux tourments de l’âme.

Stéphane Friédérich